11.11.2020

L'interview : Paolo Degiorgi

Journal du Parc # Novembre 2020

L'interview de Paolo Degiorgi

- texte intégral -

Dès le 1er janvier 2021, Paolo Degiorgi, 58 ans, prendra la direction du Parc naturel régional Jura vaudois. Tessinois d'origine, établi dans le canton de Vaud depuis plusieurs années, il se réjouit de retrouver le terrain et de rencontrer communes et partenaires.

En quelques mots, quel est votre parcours professionnel ?

Après le diplôme d'ingénieur agronome EPFZ, mon parcours professionnel s'est développé comme une mosaïque, grâce à la juxtaposition d'expériences dans les secteurs privé et public. Les pièces qui le composent vont de la conception, la gestion et le suivi de projets, y compris la gestion des ressources humaines et financières, au développement régional, à la valorisation et la promotion des produits, en particulier agricoles et alimentaires. Ces nombreuses expériences m'ont permis d'acquérir de solides compétences en gestion et leadership, ainsi qu'un sens aigu du dialogue et de la négociation, tant avec des représentants politiques au niveau communal, cantonal et fédéral, qu'avec d'autres acteurs et partenaires.

Qu'est-ce qui vous a motivé à postuler comme directeur du Parc Jura vaudois ?

Mon souhait était de trouver un défi professionnel qui me permettrait d'être plus proche et en contact direct avec la réalité du terrain d'une part, et d'autre part, de pouvoir mettre mes expériences au service de projets et initiatives dans lesquels les intérêts de différents acteurs doivent être conciliés. Le travail en équipe, l'opportunité d'être à l'écoute de divers acteurs et partenaires pour traduire leurs besoins en actions concrètes, ont été d'autres motifs clés. En lisant le descriptif du poste, j'ai retrouvé tous ces aspects et voilà que la décision de postuler était prise.

Avez-vous déjà des liens avec le Parc ?

Le poste que j'occupe encore jusqu'à la fin de l'année à l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) m'a permis d'instaurer et d'entretenir d'étroites collaborations avec plusieurs acteurs actifs dans le périmètre du Parc. C'est notamment le cas des filières sous le signe de qualité AOP et IGP: Vacherin Mont d'Or AOP, Gruyère AOP, Saucisson vaudois IGP, Huile de noix vaudoise AOP. Tous ces produits sont l'œuvre de producteurs et productrices qui contribuent, grâce à leur savoir-faire, au maintien d'un patrimoine (culinaire et culturel) vaudoise et suisse exceptionnel. Dans le cadre de mes fonctions à l'OFAG, j'ai eu l'occasion de les côtoyer régulièrement, de les accompagner et de les épauler dans leurs démarches pour valoriser et protéger leurs produits. 

Sur le plan personnel, je suis lié à la beauté de la nature et du paysage de ce Parc. Sillonner à pied ou à vélo le Pied du Jura en montant jusqu'aux cols, admirer cette magnifique vue sur le lac Léman et les Alpes et, de l'autres côté, sur la vallée de Joux, sont pour moi un véritable régal et de l'oxygène pur. Tout comme se promener autour du lac de Joux, avec une baignade dans ses eaux bien rafraîchissantes en fin de course. 

Jumelant plaisir et travail, la Fête du Vacherin Mont d'Or, aux Charbonnières, est pour moi un rendez-vous annuel incontournable. C'est l'occasion d'échanger avec les productrices et producteurs ainsi qu'avec les représentants des autorités cantonales et communales présentes, tout en savourant les spécialités régionales et un bon verre de vin blanc vaudois. 

Quelle est votre connaissance des parcs suisses ?

Dans mes fonctions à l'OFAG, j'ai accompagné des projets de développement régional agricoles (PDRA) insérés dans les périmètres des parcs naturels régionaux , comme par exemple le PDRA Ouest vaudois et son projet partiel Harmonie d'alpage. En outre, l'OFAG et l'OFEV (Office fédéral de l'environnement) ont collaboré étroitement avec les responsables des parcs suisses à l'élaboration des Directives sur les conditions d'attribution et d'utilisation du label Produit. 

A titre privé, j'ai suivi différents débats visant la création des deux parcs dans les Grisons et au Tessin, à savoir le Parc naturel régional Val Calanca et le Parc national de la région de Locarno. Ce dernier, compte tenu du résultat du vote, ne verra malheureusement pas le jour pour une centaine de voix. 

Les missions confiées aux parcs naturels régionaux sont centrées sur le développement durable. Quels sont les enjeux d'avenir pour le territoire ?

Les objectifs de développement durable, de par leur caractère ambitieux et transversal, soulèvent de nombreux enjeux et défis pour les prochaines années : assurer un état des lieux réaliste, puis mettre en œuvre un suivi rigoureux des progrès réalisés et identifier les domaines et mesures d'amélioration possibles. Autres défis : faire en sorte que les territoires, la société civile, le secteur privé et les citoyens s'approprient des objectifs du développement durable; favoriser la coopération : diffuser les bonnes pratiques, instaurer un espace de dialogue et un cadre de concertation serein entre les acteurs d'horizons divers pour mener des actions conjointes. Sur cette toile de fond, il faudra travailler sur les enjeux et les défis au niveau local / régional, tels que : la conservation de la nature et le développement socio-économique ; la mobilité douce et le trafic transfrontalier ; la valorisation et la promotion des produits et du paysage ; le changement climatique et la gestion des ressources naturelles ( en particulier l'eau) ; l'élargissement et la promotion de l'offre touristique. Un autre défi sera aussi le renforcement et le développement des synergies avec les autres parcs naturels suisses et le Parc naturel régional du Haut-Jura, en France voisine. 

Le renouvellement de la Charte, qui lie le Parc et ses communes sera l'un de vos premiers grands projets. Les parcs suisses, et le Parc Jura vaudois en particulier, sont-ils faits pour durer ?

Le processus de renouvellement de la Charte et l'engagement des communes établira les bases pour le renforcement et le développement du futur Parc Jura vaudois. La Charte devra refléter les intérêts de tous les acteurs du périmètre et présenter la convergence d'objectifs pour un développement durable au sein du périmètre du Parc. Les résultats réjouissants et encourageants obtenus jusqu'à présent dans le Parc Jura vaudois et le fait que d'autres parcs naturels régionaux suisses sont au bout du processus de renouvellement de la Charte, me donnent la confiance et la motivation nécessaires pour accompagner le Parc dans la continuité du travail accompli jusqu'à présent et dans son développement futur. L'avenir des parcs suisses, en particulier du Parc Jura vaudois, n'est pas mis en question, au contraire. Les parcs naturels régionaux sont une réponse concrète aux débats récurrents autour d'un développement de la société plus en harmonie avec les aspects environnementaux (climatiques/écologiques), sociaux et économiques. 

Paolo Degiorgi a suivi des études d'agronomie à l'École polytechnique de Zurich (EPFZ). Il a ensuite travaillé au Cameroun, à Haïti ainsi qu'à Rome pour la Food and Agriculture Organisation (FAO) puis au Groupement suisse pour les régions de montage (SAB). De 2004 à 2010, il a été directeur général de la Fédération tessinoise des producteurs de lait (LATI) avant de rejoindre l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG).

Photo © Florian Cella / 24 Heures


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