Chronique d'une fourmi des bois

Partez à la découverte de la super-colonie de Formica paralugubris du Parc naturel régional Jura vaudois ! Au fil de ces dix chroniques, vous en apprendrez plus sur ce sacré petit insecte, qui ne dépasse pas 10 millimètres, mais accomplit des choses phénoménales et mène une vie trépidante. Au col du Marchairuz, le Sentier didactique de la Fourmi des bois permet d'aller à sa rencontre.

Suivez Gaïa sur le Sentier de la Fourmi des bois!

Passionnante, la fourmi des bois est l'héroïne du sentier de découvertes créé par le Parc Jura vaudois au col du Marchairuz. 

Destiné aux familles - mais pas que-, il propose dix postes interactifs et ludiques pour tout savoir sur ce petit insecte et la super-colonie du Jura vaudois. Ce parcours facile retrace les aventures de Gaïa, la Fourmi des bois du Parc Jura vaudois et de ses innombrables colocataires. 

Ne manquez pas de visiter aussi l'Espace découvertes du Parc, dans le bâtiment de l'Hôtel du Marchairuz. C'est le premier lieu d'accueil du public du Parc naturel régional Jura vaudois. 

Un autre sentier de découvertes vous est proposé, à proximité. Il se trouve sur la route du col en direction de Bière : le Sentier du Sapin à Siméon. Dix stèles vous décrivent les richesses naturelles et sylvopastorales du Parc. Promenez-vous à travers murs de pierres sèches, pâturages boisés et fourmilières. 

Equipez-vous et partez donc à la rencontre de Gaïa et de ses copines, dans les forêts du Jura vaudois !

Identifiée après de nombreuses heures de recherches et une bonne dose de hasard, Formica paralugubris est emblématique du Jura vaudois. Ces dames - puisque l'on a vu que ces messieurs ne font pas long feu -  se bâtissent d'ingénieux et grandioses dômes qu'elles relient entre eux par un réseau de routes. Cette vaste super-colonie n'a pas son pareil dans toute l'Europe. 

Les rigueurs climatiques du Jura ne sont pas un mythe. Ici, les saisons rythment la vie des fourmis. A la belle saison, les activités ne manquent pas. Elles chassent, exploitent les pucerons puis les dévorent. Elles luttent contre les ravageurs, rendant ainsi de fiers services à leur environnement. Elles construisent, rénovent et, bien sûr, veillent à perpétuer l'espèce. 

Cette chronique vous offre un large aperçu de la vie des fourmis des bois. Le sentier de découvertes vous en apprendra davantage !

Visitez l'Espace découvertes


Quelques astuces pour les observer au fil des saisons

Au printemps

Approchez vous des dômes et observer leur réveil printanier. Des milliers de fourmis se pressent pour se réchauffer après l'hiver. Essayez de repérer les reines. Au début de l'été, c'est les sexués, avec leurs ailes, que vous aurez tout le loisir d'observer. 

En été

Lorsque le soleil tape, tout est calme. Les fourmis sont à l'abri de la chaleur estivale. Recherchez les ouvertures sur la fourmilière. Où sont-elles ? Faites un peu d'ombre sur la fourmilière et observez si les fourmis pointent leur nez.

Pistez la super-colonie ! Débusquez les pistes qui relient les fourmilières entre elles. Partant d'un nid pour rejoindre un autre ou pour grimper à la cime des arbres où se trouvent les pucerons. Leur passage répété dessine parfois des pistes. Ouvrez-œil ! On y voit des fourmis porter un tas de choses. Imaginez-vous faire pareil....

En automne

A cette période, les fourmis se prépare à passer l'hiver. Vous les verrez peut-être encore trimballer de la nourriture. En vitesse. Elles se gavent pour tenir tout l'hiver sans manger. Et si aucune fourni ne se montre, c'est qu'elles sont déjà au repos. Il ne vous reste qu'à attendre le printemps. 

Attention où vous mettez les pieds !

Observer les fourmis, c'est bien, mais en restant sur les sentiers, c'est mieux. Ne vous éloignez pas des sentiers balisés et ne portez pas atteinte aux fourmilières. 

Illustration : benohit

Gaïa et ses copines 

Le saviez-vous ? Dans le Parc naturel régional Jura vaudois, les fourmis des bois sont très nombreuses. Elles ont créé la plus vaste colonie d'Europe. Cette super-colonie est constituée d'environ 1'200 fourmilières, reliées par plus de 100 kilomètres de pistes, parcourues par 250 millions de fourmis. 

Il existe plus de 1'600 espèces de fourmis dans le monde, dont environ 140 se trouvent en Suisse. L'état des populations de fourmis en Suisse, de manière générale, subit une diminution des effectifs. Certaines régions toutefois, telles que les zones d'altitude, semblent moins affectées que d'autres. Certains modes de gestoin de l'habitat des fourmis, ou encore le morcellement des forêts, semblent participer à ce déclin, mais les causes exactes de cette régression ne sont pas connues et nécessitent encore des études approfondies. 

Protégées depuis 1966

Il existe 6 espèces avérées de fourmis des bois, aussi appelées fourmis rousses. L'espèce la plus courante et qui forme la super-colonie du Jura vaudois est formica paralugubris. Les populations de fourmis des bois dans le Jura vaudois ont été beaucoup étudiées et montrent une grande stabilité. Les fourmis des bois ont d'ailleurs été les premiers insectes à bénéficier d'un statut de protection dès 1966, principalement dans le but de protéger les forêts dans lesquelles elles remplissent de nombreux services. 

Les fourmis étant des insectes sociaux qui vivent en colonie, elles ont développé des modes de vie qui sont passionnants. La fourmi des bois, par exemple, peut avoir des centaines de reines dans chaque fourmilière alors que certaines espèces n'en ont qu'une ! 

Gaïa, la Fourmi des bois du Parc Jura vaudois est une ouvrière. Elle sera mise à l'honneur cette année ! Dès cet automne, un sentier didactique lui sera entièrement consacré à l'Espace découvertes du Parc, au col du Marchairuz. 

Illustration : Benohit

C'est le printemps, on se réveille! 

La fourmilière est calme, l'hiver, les fourmis sont en dormance. Personne ne bouge, personne ne mange. Une fois la neige fondue et les premiers rayons du soleil printanier au rendez-vous, les fourmis s'activent !

C'est la renaissance de la fourmilière. Une partie des fourmis sortent et vont se réchauffer sur le dôme de leur nid. Après avoir suffisamment emmagasiné de chaleur, elles vont la transmettre aux autres fourmis enfouies plus en profondeur, pour les réveiller. Elles montent ensuite à leur tour sur le dôme. Ce réveil printanier dure entre une semaine et un mois. C'est toute la fourmilière qui se succède au-dehors, pour se dorer au soleil, des dizaines de milliers de fourmis ! C'est d'ailleurs une des rares occasions de voir les reines à l'extérieur des fourmilières.

L'heure des grands travaux

Une fois qu'elles ont repris des forces, débutent de grands travaux de restauration. Sous le poids de la neige ou suite au passage d'autres animaux cherchant de la nourriture, leur fourmilière a peut-être été endommagée. Les fourmis ouvrières partent à la recherche de brindilles et d'aiguilles pour réparer les dégâts. Ils peuvent être conséquents ! 

Chaque année, environ 1, 6 kilo de matériel de construction est charrié. Cela représente 400'000 brindilles et aiguilles de conifères. Ce matériel sert à réparer et consolider la fourmilière.

Ces divers transports ne sont pas une mince affaire, mais les fourmis des bois sont robustes. Elles peuvent porter jusqu'à 40 fois leur poids avec leur mandibule (pièces buccales). Pour un homme adulte de 60 kilos, cela correspondrait à une charge de 2,4 tonnes. Essayez, pour voir !

Les fourmis ouvrières font également des voyages pour approvisionner la colonie en nourriture: insectes, invertébrés, miellat ou graines. Au printemps, les ouvrières commencent à nourrir les larves et élèvent les jeunes fourmis pour assurer une main d'oeuvre suffisante, tout au long de la belle saison. 

Dès le printemps et pendant l'été, les ouvrières nourrissent les larves et élèvent les jeunes fourmis afin de renforcer la main d'oeuvre. L'été, c'est aussi la période des amours et de la reproduction chez les fourmis des bois. 

Lorsque les jours raccourcissent et que l'hiver approche, certaines ouvrières se gavent pour constituer des réserves dans leurs corps. Celles-ci serviront à nourrir les premières larves au printemps suivant. Les fourmis se regroupent dans les zones les plus profondes pour résister au froid de l'hiver. Et c'est reparti pour la période de dormance ! La neige coupe les fourmis du monde extérieur pendant de longs mois. 

Alors pour observer les fourmis des bois, c'est maintenant qu'il faut venir se balader dans le Parc naturel régional Jura vaudois !

Illustration : Benohit 

Pas si drôle, la vie de Monsieur Fourmi ! 

Les fourmis des bois sont principalement actives au printemps et l'été. Au début du printemps, les reines commencent à pondre les œufs. Ces premiers œufs donnent naissance à des fourmis sexuées mâles et femelles. En été, les œufs pondus ne donnent naissance qu'à des demoiselles : les ouvrières. Et oui, chez les fourmis, on peut presque parler de matriarcat !

Les fourmis sexuées sont plus grandes que les ouvrières (environ 1,5 à 2 fois plus grandes) et elles ont des ailes. Leur seul rôle : se reproduire ! Lorsque l'été arrive, une partie de ces dernières prennent leur envol vers une prairie où des milliers de sexuées se retrouvent pour s'accoupler. On appelle cela poétiquement le vol nuptial. D'autres, préféreront toutefois rester au sein de la fourmilière pour s'accoupler. 

Destin tragique ou royal ?

Après l'accouplement, leur mission accomplie, les mâles meurent. Leur vie ne dure que quelques semaines au stade adulte et ils passent rarement plus de 2 ou 3 jours hors de la fourmilière. 

Après l'accouplement, au contraire, les femelles s'émancipent. Elles retirent leurs ailes et deviennent des reines ! Une seule fécondation va leur permettre de pondre des œufs pendant toute leur vie, soit 10 à 15 ans durant.

Une fois reine, encore doivent-elles trouver un nid. Les jeunes reines peuvent réintégrer une fourmilière de leur espèce ou partir à la conquête d'un nouveau foyer. Pour se faire, elles s'immiscent dans une fourmilière et tentent de convaincre ces fourmis, qui ne sont pas de son espèce, de l'abriter et de la nourrir. 

Si ça marche et qu'elle est adoptée par ce nouveau clan, la jeune reine se met à pondre. En espérant que ces hôtes qui ont bien voulu l'accueillir, s'occuperont aussi de ses œufs. Si c'est le cas, 1 ou deux ans plus tard, la fourmilière ne comptera plus que des fourmis des bois. 

Et voilà, le tour est joué ! On appel ce procédé : parasitisme social temporaire, car les fourmis hôtes ne sont utilisées que le temps de la fondation de la nouvelle colonie. 

Il faut savoir toutefois que sur les milliers de femelles qui naissent dans une fourmilière, à peine 5 parviendront à fonder une nouvelle société de fourmis des bois. Les autres ne vivront guère plus de temps que les mâles. 

Les fourmis des bois peuvent aussi créer de nouveaux nids sans jouer les colons. Lorsqu'elles sont trop nombreuses, des ouvrières partent à la recherche d'un nouvel endroit propice pour s'installer. Une fois le site choisi, elles y bâtissent une nouvelle fourmilière puis y transportent quelques-unes de leurs nombreuses reines. Elles tracent ensuite une piste entre les deux nids et c'est comme ça que la colonie s'agrandit !

Nids, fourmilières, colonies et super-colonies : on pourrait s'y perdre ! Pour en savoir plus, lisez notre prochaine chronique. 

Illustration : Benohit



La politique managériale de la fourmilière

Les fourmis sont des insectes sociaux. C'est ce qui les rend passionnantes. Une fourmilière, c'est toute une organisation : chacun son job; chacun son rôle.

Il existe deux castes : les ouvrières et les sexuées. 

Le rôle des sexuées, c'est la reproduction. Le mâle succombe après l'accouplement et la femelle devient reine. Elle va pondre des oeufs toute sa vie, jusqu'à plusieurs centaines d’œufs par jour pendant la belle saison. C'est la sa seule et unique tâche. Mais quelle tâche !

Mais assez parlé de ces messieurs-dames les sexués. La chronique 3/10 leur fait déjà honneur. 

Les ouvrières sont au centre de l'organisation du nid. Ce sont toutes des femelles, généralement stériles, sans distinction morphologique. Chaque ouvrière est assignée à une tâche qu'elle remplit avec le plus grand soin. Comme dans une entreprise à l'organisation bien huilée !

Les bonnes à tout faire

Les ouvrières les plus jeunes s'occupent du service intérieur. Elles prennent soin des reines et de leurs progénitures. Elles nourrissent les reines, qui ne sortent pas, ainsi que les larves, immobiles. Elles vont généralement s'occuper des œufs et des cocons. Elles les déplacent au sein du nid afin qu'ils soient toujours dans des conditions idéales (chaleur et humidité) pour leur développement. Certaines ouvrières du service intérieur font le ménage. Elles évacuent tous les déchets hors du nid. Ils seront pris en charge par les ouvrières du service extérieur. 

Les gardiennes

Après avoir fait leurs preuves enfin plutôt après quelques temps, ces ouvrières peuvent accéder au rôle de gardienne. Elles sont postées aux entrées, inspectent chaque fourmi et ne laissent passer que celles qui en ont le droit. En cas d'attaque venant de l'extérieur, elles alertent les ouvrières à proximité pour organiser la riposte.

Il existe même un groupe d'ouvrières chômeuses, inactives et donc disponibles pour tout travail, en cas de problème !

Les fourrageuses

Les ouvrières les plus âgées et les plus expérimentées participent au service extérieur et deviennent fourrageuses. Elles s'aventurent dans le vaste monde à la recherche de nourriture ou de matériel de construction pour le nid. Elles passent beaucoup de temps à réparer la fourmilière. Comme nous l'expliquions dans la chronique 2/10.

Savoir s'adapter

Ces spécialisations ne sont pas strictes et c'est là, sans doute, que réside la force des insectes sociaux. A tout moment, les ouvrières peuvent être réaffectées à l'une ou l'autre de ces tâches, au besoin. 

Illustration : Benohit

Un scoop fourmidable

La super colonie du Jura vaudois, c'est 1200 fourmilières reliées par 100 kilomètres de pistes. Actuellement, on considère qu'elle réunit près de 250 millions de fourmis. On estime en moyenne la présence de 300 fourmis par mètre carré, sur ce territoire et d'une seule et même espèce.

La super-colonie de fourmis des bois a été découverte en 1973. C'est la plus vaste d'Europe ! Depuis lors, les fourmis des bois du Parc Jura vaudois ont été étudiées sous toutes leurs coutures ! Le pionnier de ces recherches, c'est le myrmécologue Georges Gris. D'autres chercheurs, notamment de l'Université et du Musée cantonal de zoologie à Lausanne, tels que Daniel Cherix, Arnaud Maeder ou encore Anne Freitag, ont passé des heures à quatre pattes sur les hauteurs du Parc Jura vaudois, afin d'en savoir plus sur ces mystérieuses fourmis.

Tout est dans le cocon

En 1982, il devient évident pour les chercheurs que les fourmis formant la super-colonie se distinguent de leurs voisines, notamment par leurs comportement. Les chercheurs ont alors développé le test du cocon afin d'en avoir le cœur net. Ce test se base sur le comportement des ouvrières qui ramènent tout cocon égaré à l'abri de la fourmilière. Elles ont la capacité de distinguer les cocons de leur espèce de ceux d'autres espèces, à l'odeur. Durant cette expérience, des ouvrières de la super-colonie sont alors confrontées à des cocons morphologiquement identiques, mais d'espèces différentes. Ce test confirme les soupçons ! L'espèce de la super-colonie du Jura vaudois n'est pas Formica lugubris, car elle refuse systématiquement de transporter les cocons de cette espèce. 

C'est en 1996 que l'énigme est officiellement résolue, après bien des années de recherches et avec l'aide d'un Allemand spécialiste des fourmis du genre Formica

C'est un fait désormais avéré : la super-colonie est constituée d'une espèce encore jamais déterminée !

La nouvelle fourmi des bois est nommée Formica paralugubris pour rappelle sa ressemblance avec l'espèce avec laquelle elle a été confondue pendant des décennies. Il est inutile de tenter de les distinguer lors d'une balade en forêt, tant leur morphologie est proche. 

Illustration : Benohit

  • Cette anecdote vous a intrigué ! Anne Freitag a accepté de répondre à quelques questions pour le Journal du Parc #Juillet 2020. Lisez donc l'article !
  • Et si vous souhaitez faire connaissance avec Formica paralugubris sur le terrain, ne manquez pas l'excursion guidée par cette chercheuse passionnée le samedi 8 août prochain.  Pistez les fourmis !

Halte! Vos papiers, s'il-vous-plaît!

es fourmis développent de nombreux sens, dont un, qui leur est essentiel : l'odorat. Ce sont les antennes qui en sont le siège.

Chaque fourmi porte une odeur qui est spécifique a sa colonie. Elles se reconnaissent entre elles grâce à cette odeur, captée par les antennes. Postées à l’entrée de la fourmilière, les ouvrières de la garde reniflent toute fourmi se présentant et ne laisse passer que les membres de leur colonie. Gare aux intrus qui sont immédiatement détectés et chassés, voire exécutés. 

Les antennes sont aussi un moyen de communication. Les fourmis peuvent émettre des odeurs pour alerter d'un danger, demander de l'aide à leur congénère ou encore signaler une source de nourriture. 

Une étrange transformation

Comment les fourmis se développent? Elles passent par plusieurs stades de développement et même, le saviez-vous, une métamorphose !

Tout commence par un petit œuf blanc et translucide, un parmi les milliers pondus chaque jour par les reines de la colonie. Après quelques jours de développement, une minuscule larve surgit de l’œuf. La larve naît sans pattes et aveugle. Elle est soignées et nourrie par les ouvrières. 

Plusieurs stades larvaires se succèdent alors, ponctués de mues. Une fois le stade larvaire final atteint, la larve va tisser un cocon de soie. C'est dans cet écrin blanc cassé qu'elle subit une métamorphose. Pendant deux semaines, de profondes transformations s'opèrent, sans aucun apport de nourriture. La nymphe qui émerge du cocon présente toute les caractéristiques d'une fourmi adulte, mais son corps est mou et non pigmenté. Petit à petit, le corps de la jeune fourmi prend sa couleur définitive et durcit jusqu'à créer un squelette externe, telle une armure. 

Tous les œufs de fourmis sont génétiquement identiques et pourtant, certains d'entre eux donneront naissance à des ouvrières, d'autres à des mâles ou des femelles. Et certaines monteront la garde avec zèle, à l'entrée de la fourmilière. 

Anecdotes en bonus

Mâle ou femelle ?

Les œufs fécondés donneront des femelles, ceux qui ne le sont pas donneront des mâles.  

Ouvrière ou future reine ?

La qualité de la nourriture donnée aux larves est déterminante. Les larves de sexués reçoivent une nourriture riche, produite et excrétée par les ouvrières. Les larves ouvrières sont quant à elles nourries principalement de proies animales réduites en bouillies. 

Le saviez-vous ? 

Les nympes de fourmis ont inspirés le dessinateur suisse Hans Ruedi Giger pour concevoir le monstre du film Alien.


Illustration: Benohit

Y'a quoi au menu ?

Les ouvrières fourmi des bois parcourent la nature à la recherche de nourriture qu'elles ramènent au nid pour les larves, les reines et les ouvrières qui oeuvrent au sein de la fourmilière. Elles n'accumulent pas de réserves de nourriture, même en hiver. 

Les fourmis des bois sont omnivores. Elles se nourrissent d'insectes et d'invertébrés (35 %), de graines (4%), mais leur régime alimentaire est principalement constitué de miellat (61%), un jus sucré qui est produit par les pucerons. 

Les pucerons se nourrisent de la sève des arbres. Ils en absorbent beaucoup pour en retirer les protéines dont ils ont besoin. Le reste est évacué sous la forme de gouttelettes contenant beaucoup de sucres : le miellat. Les fourmis se nourissent de ce liquide sucré et protègent les pucerons des prédateurs ou parasites. De plus, si la fourmi n'enlève pas la goutelette collée au derrière des pucerons, celle-ci va sécher et le sucre se cristalliser. 

Cela obstrue l'orifice du puceron et il meurt. 

Dans le jargon scientifique, on nomme ce type de collaboration symbiose : une relation étroite entre deux espèces à bénéfice mutuel. Et plus précisèment encore, lorsque dans la relation l'un fournit la nourriture à l'autre, on appelle cela trophobiose. 

On estime une consommation moyenne de 120 à 170 grammes de miellat par jour pour une fourmilière. Cela représente une vingtaine de kilos de miellat par saison. Les fourmis qui le récoltent peuvent en stocker dans un organe spécial appelé estomac social. Elles emmagasinent ainsi jusqu'à 1 fois leur poids en miellat et le partage généreusement avec les fourmis restées au nid ou croisées sur le chemin en le régurgitant. 

En plus du miellat, les fourmis d'une fourmilière moyenne récoltent environ 400 000 proies (insectes et invertébrés) par saison d'activité, soit environ 1, 2 kilo. rapporté à l'ensemble de la super colonie, ce sont 400 000 000 proies, soit plus d'une tonne, qui sont collectées chaque année. Les fourmis jouent alors un rôle déterminant dans l'écosystème forestier. 

Ce sujet passionnant est d'ailleurs au programme de la prochaine chronique !

Illustration: Benohit

Ravageurs : gare à vous ! 

Les fourmis des bois, il faut se le dire, sont très opportunistes. Lorsqu'elles chassent, elles récoltent les insectes ou les invertébrés les plus fréquents. Elles s'attaquent ainsi régulièrement aux populations de ravageurs, ce qui limite leur présence en forêt et nous rend bien service ! 

Saviez-vous, d'ailleurs, que ces dames les fourmis des bois, en plus de profiter en quantité du miellat des pucerons, dévorent volontiers les pucerons eux-mêmes ? Dès que la colonie de pucerons croit et que certains individus tentent de prendre le large, ces derniers sont généralement capturés et ramenés à la fourmilière comme en-cas. Il s'agirait même de leurs principales proies !

On estime que les fourmis d'un nid de taille moyenne récoltent environ 400 000 proies par saison d'activité, soit 1,2 kilo. 

Rapporté à l'ensemble de la super colonie, ce sont 400 000 000 proies, soit plus d'une tonne, qui sont collectées chaque année. On mesure ici le rôle déterminant que peuvent jouer les fourmis dans un écosystème forestier. 

Bien que les graines ne représentent qu'une petite part (4 %) de l'alimentation de la fourmi des bois, on a dénombré jusqu'à 250 graines récoltées en une heure par les ouvrières d'une fourmilière ; soit 50 000 par an ! Les fourmis des bois ne mangent pas les graines en entier. Elles consomment uniquement une petite excroissance charnue et riche appelée élaïosome. Ces graines conservent donc leur pouvoir de germination et sont largement disséminées par les fourmis. Ces plantes, dont la dispersion des graines est grandement favorisée par les fourmis, sont appelées myrmécochores (de myrméco- : fourmi et -chorie : se mouvoir). Parmi elles, on compte les violettes ou la centaurée des montagnes. 

Les fourmis des bois assurent aussi un important brassage du matériel végétal et du sol, à proximité de leur fourmilière. Des dizaines de milliers d'aiguilles de conifère et de brindilles sont déplacées par les ouvrières.  Dans la super-colonie du Jura vaudois, ce sont plusieurs dizaines de kilos de matériel qui sont transporté chaque année par hectare. Par leur activités, les fourmis des bois aèrent également le sol. Elles favorisent ainsi la vie du sol, permettent la colonisation par des espèces végétales et stimulent la transformation de la matière organique. 

L'origine du verbe fourmiller n'est désormais plus un secret pour les lecteurs de cette chronique ! L'intense activité au sein de la fourmilière et les incessants va-et-vient à travers la forêt nous le démontrent bien.  Tout ce remue-ménage n'est pas sans conséquence. Mais rassurons-nous, l'impact de la fourmi des bois sur son environnement est essentiellement positif. 

Elle rend d'innombrables et précieux services à la nature !

Illustration : benohit

Des architectes hors pair ! 

Les fourmis des bois se construisent des dômes tout confort et chauffés. Au cœur de la fourmilière, la température est maintenue à 25-30° durant la saison d'activité. Comment cela est-il possible?

Un chauffage Minergie 

La fourmi des bois pratique ce que l'on appelle la thermorégulation. Pour atteindre ce résultat, plusieurs facteurs entrent en jeux. Pour commencer, l'emplacement des fourmilières est savamment étudié par ses hôtes. La fourmi s'installe en lisière de forêt ou dans des peuplements peu denses. Le dôme est placé à proximité d'une arbre, au sud-est du tronc. Il est orienté au soleil levant. Grâce à leur forme et leur couleur, ces dômes sont de véritables capteurs solaires.

Mais après quelques heures d'ensoleillement, la température monte considérablement dans la fourmilière. Comment font-elles pour la réguler? Lors d'une balade dans le Parc Jura vaudois, regardez bien les fourmilières: il y a plein de petits trous à leur surface. Ces fenêtres sont ouvertes et fermées en alternance par les fourmis.

Lorsqu'il fait trop chaud, elles ferment côté soleil et ouvrent côté ombre. Le surplus de chaleur peut ainsi s'évacuer et la température être régulée !

Cela ne suffit pourtant pas à maintenir un climat idéal à l'intérieur du nid. Un autre phénomène y contribue : les ouvrières en pleine digestion du miellat, très sucré, dégagent elles-mêmes de la chaleur ! On comprend alors l'importance des colonies de pucerons producteurs de miellat qui influent, indirectement, sur la capacité des fourmis à maintenir la température au sein du dôme. Au début de l'automne, lorsque les pucerons se raréfient, on observe une diminution progressive de la température interne de la fourmilière. Parallèlement, les fourmis réduisent leur activité et se préparent à l'hibernation. Elles s'installent dans les profondeurs de la fourmilière pour y passer l'hiver, à une température oscillant, cette fois, entre 1 et 3 degrés. Brrrrrrrrr.

Stratégie de survie

Tant d'effort pour maintenir des conditions optimales au sein de la fourmilière ! Mais cela est essentiel à leur survie. Seules ces conditions internes, chaudes et stables leur permettent de vivre dans cette région au climat rude. Ceci est d'autant plus important que les fourmis des bois n'ont que six mois pour assurer le renouvellement des ouvrières, qui n'ont que deux ans d'espérance de vie. Dans une fourmilière de taille moyenne, on estime que 150 000 nouvelles ouvrières naissent par saison d'activité.

La taille ne fait rien à l'affaire

Les dômes ont une architecture très performante, hormis la régulation thermique. Ils sont constitués de brindilles et d'aiguilles d'épicéa parfaitement isolantes sur lesquelles la pluie ruisselle. L'enchevêtrement de ces matériaux, telle une charpente, permet la formation de galeries et de petites chambres qui ont chacune leur fonction. Dans le Jura vaudois, la couche de terre du sol n'est pas très profonde, peu de galeries souterraines peuvent être creusées. C'est une des raisons qui poussent les fourmis des bois à construire de grands dômes. 

D'ailleurs, le saviez-vous? La taille d'une fourmilière n'est pas du tout corrélée à son âge. Certaines fourmilières de 50 centimètres de haut ont une vingtaine d'années, tandis que d'autres s'érigent de 50 à 120 centimètres en l'espace d'une seule année !

Chapeau les bâtisseuses !

Illustration: benohit