Journal du Parc - Novembre 2023
L'interview de François Laurent Althaus
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Président du Parc naturel régional Jura vaudois entre 2010 et 2014, François Laurent Althaus a accompagné le Parc dans sa candidature auprès de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) pour rejoindre les parcs suisses.
Dans quelles circonstances le Parc jurassien a-t-il choisi de poser sa candidature au label « Parc » d'importance nationale?
Au début des années 1970, treize communes propriétaires d'alpages, situées entre le col du Marchairuz et celui de La Givrine, s'étaient associées avec Pro Natura Vaud (alors Ligue vaudoise pour la protection de la nature) et quelques privés pour créer l'association du Parc jurassien vaudois. Daniel Aubert en était le premier président. L'objectif était de s'allier pour contrer des projets de l'armée visant le développement de places de tir sur les alpages. L'objectif était aussi, déjà , de sauvegarder l'économie sylvopastorale et le paysage. Cette association de communes propriétaires a poursuivi ses activités jusqu’au tournant des années 2000. Puis son financement, par des fonds publics et privés, a été remis en question. La nouvelle Loi pour la protection de la nature était en chantier. Elle prévoyait la création de nouveaux parcs suisses. La commission d'accompagnement, présidée alors par Olivier Feller, a proposé la création d'un Parc naturel régional Jura vaudois afin de profiter de cette opportunité. Durant la phase de candidature qui a suivi, les objectifs et statuts de l'association ont été modifié de manière à répondre aux exigences de la LPN, entrée en vigueur en 2007. Mais la volonté de concilier les activités humaines et la préservation de la nature est demeurée.
Quelles étaient les inquiétudes et les attentes des communes?
Il a fallu convaincre de nouvelles communes et cela n'a pas toujours été facile. Avec Francine Bandieri, dernière directrice du Parc jurassien, ont a fait des centaines de kilomètres pour présenter nos arguments. Une douzaine de communes du sud-ouest militaient activement contre ce projet. Elles craignaient l'entrée en vigueur de nouvelles restrictions et règlementations. Alors que cela n'a jamais été du ressort des parcs. Bien évidemment, les communes les plus petites y ont rapidement vu un avantage: en se regroupant, elles avaient plus de poids. Elles étaient aussi intéressées par l'arrivée de fonds publics pour financer des projets concrets.
Il y avait un autre changement important: ce n'était plus seulement le périmètre des alpages, qui était concerné, mais l'entier des territoires communaux. La question de la zone industrielle d'Aubonne, qui ne répondait pas aux exigences de la Confédération, notamment, a fait l'objet de nombreuses discussions.
Une fois les Municipalités convaincues, il fallait encore que la décision soit ratifiée par les conseils communaux. Les communes présentes dans le Parc jurassien vaudois ont tout de suite vu les avantages à obtenir le label « Parc ». Entre Arzier-Le Muids et les communes de la Vallée, on atteignait déjà la taille minimale de 100 km2 pour qu'un parc se fasse. Les autres n'avaient plus qu'à choisir d'en être ou pas. A noter que nous avons tout de suite bénéficié du soutien du Canton de Vaud.
Qu'est-ce qui a changé avec l'obtention du label « Parc » le 1er janvier 2013?
On a pu louer de vrais bureaux et acheter quelques ordinateurs! Plus sérieusement, nous avons pu mettre en place une structure professionnelle, sous la direction d'Olivier Schär. Mais ce n'était pas gagné d'avance. On a encore dû faire face à pas mal d'incompréhension, notamment de la part des milieux agricoles. Pour les habitants non plus, les actions du Parc n'étaient pas toujours très visibles. La dimension du Parc (plus de 300 km2) et ses différentes identités (Il s'étend sur trois districts.) étaient un défi. On a tout de suite mis en place des projets concrets dans la préservation de la nature ou l'éducation et la sensibilisation. Le Comité comportait des représentants de la protection de la nature, du tourisme, de l'économie et de la forêt afin de développer des partenariats.
Le label « Parc » a été renouvelé pour dix ans et 4 nouvelles communes ont rejoint le périmètre. Comment voyez-vous l'avenir du Parc Jura vaudois?
Aujourd'hui, qui irait imaginer des places de tir sur les crêtes jurassiennes! A l'heure actuelle, la nécessité de préserver notre biodiversité et nos paysages, tout en soutenant l'économie locale est une évidence. Nos communes se sont diversifiées, urbanisées. De plus en plus de gens sont conscients de ces enjeux. La sauvegarde de notre économie sylvopastorale l'est encore plus, dans le contexte du changement climatique. Le Parc doit s'attacher à répondre aux besoins des communes, dans la mesure de ses moyens. De petits projets concrets, destinés aux habitants, comme l'aménagement de zones naturelles dans les villages, l'installation de panoramas ou de bancs, les actions de sensibilisation des élèves, les activités grand public etc. sont, à mes yeux plein de sens.
François Laurent Althaus a également été Municipal de la commune d'Arzier-Le Muids entre 2006 et 2016.