21.11.2024

L'interview de Julien Vuilleumier

Spécialiste en patrimoine culturel immatériel à l'Office fédéral de la culture, Julien Vuilleumier a coordonné l'inscription de la Saison d'alpage à l'UNESCO. En marge du Prix Traditions vivantes décerné par le Parc Jura vaudois, il s'attarde, dans l'édition de novembre du Journal du Parc, sur les spécificités de notre région. 


Qu’est-ce qu’une tradition vivante ?

Les traditions vivantes forment ce qu’on appelle le patrimoine culturel immatériel. Ces traditions peuvent prendre la forme d’expressions orales telles que les chants ou les contes, d’arts du spectacle comme la musique ou le théâtre traditionnel, de rituels ou de fêtes, de savoirs et connaissances concernant la nature et l’environnement ou encore de savoir-faire artisanaux. Comme forme vivante du patrimoine, elles évoluent et se réinventent continuellement selon le contexte socioculturel.

Selon les régions de Suisse, les traditions vivantes sont plus ou moins connues ou reconnues. Qu'en est-il dans le Parc Jura vaudois? 

Pour documenter le patrimoine culturel immatériel et le faire connaître, des inventaires ou listes sont réalisés. Sur le plan suisse, la Liste des traditions vivantes comprend 228 éléments dont 20 sont présents sur l’ensemble du territoire suisse et de 15 éléments présents dans le canton de Vaud. Les cantons peuvent aussi établir leur propre inventaire permettant ainsi de reconnaître ce patrimoine vivant à l’échelon cantonal voire régional, c’est le cas dans le canton de Vaud. Mais inventorier ne suffit pas à faire connaître des traditions et à les transmettre, ce sont les porteurs qui font vivre et rayonner ces traditions notamment grâce aux initiatives de partenaires régionaux comme les parcs.

La Saison d'alpage a été inscrite, en 2022, sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO. Comment le Jura vaudois, pourrait-il améliorer sa visibilité, sur cette thématique que le public associe souvent aux Alpes uniquement? 

La Saison d’alpage concerne l’ensembles des zones où l’estivage est pratiqué et cela implique ainsi une belle diversité de pratiques entre l’Arc jurassien, les Préalpes et les Alpes. C’est ainsi que cela a été présenté dans le dossier de candidature qui prévoit également des mesures pour la transmission et la valorisation des savoir-faire et pratiques alpestres aussi bien sur le plan suisse que dans les différentes régions. Ainsi, le Jura vaudois peut se positionner et mettre en évidence ses particularités telles que la gestion des pâturages boisés, les relations dynamiques entre estivages et paysages ou encore les spécificités des productions du terroir.

Le Parc Jura vaudois soutient la réalisation de 5 projets dans le cadre du Prix Traditions vivantes. Quels autres moyens ont les porteurs de tradition d'obtenir des soutiens concrets?

C’est une excellente initiative du Parc Jura vaudois d’avoir lancé cette démarche de Prix Traditions vivantes qui va soutenir des projets tout en valorisant ce patrimoine et les porteurs impliqués. Les porteurs des traditions inscrites à l’inventaire national, la Liste des traditions vivantes, peuvent soumettre leurs projets de sauvegarde pour un soutien de la part de l’Office fédéral de la culture lors d’une mise au concours annuelle.

Quel est le rôle social des traditions vivantes? A quel point sont-elles importantes?

Les traditions vivantes fournissent un sentiment d’appartenance, d’identité et de continuité pour celles et ceux qui les vivent, les pratiquent et les connaissent. Elles ne représentent pas une nostalgie ou approche passéiste, elles sont au contraire en transformation constante et répondent à des enjeux contemporains comme on le voit par les principes d’économie circulaire inscrits dans l’artisanat traditionnel ou encore par les contributions à la biodiversité des pratiques d’estivage.

Quel est l’impact de l’inscription d’une tradition vivante sur les listes de l’UNESCO? Assure-t-elle sa pérennité?

Une inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, comme celle des savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art ou de la saison d’alpage donne une visibilité et une reconnaissance à une démarche collective de transmission de ces traditions. Par l’élaboration d’une candidature des mesures pour la sauvegarde et l’avenir de ces éléments sont définies par les porteurs concernés. C’est ainsi un potentiel remarquable de collaboration et développement durable sans que des prescriptions externes ne soient exercées.