Les savoir-faire horlogers, principalement ceux des manufactures combières, font partie du patrimoine culturel immatériel du Parc Jura vaudois et constituent toujours une part importante de l'économie locale.
Aujourd'hui une vingtaine de manufactures horlogères sont installées dans le Parc Jura vaudois, plus spécifiquement à la Vallée de Joux. Elles comptes plusieurs milliers d'employés, auxquels s'ajoutent les nombreux indépendants, dont certains perpétuent un savoir-faire artisanal.
Ce sont principalement ces artisans et artisanes qui ont été interviewés, dans le cadre de cet inventaire. Tous ne sont pas présentés ici, mais ils sont cités dans la fiche, disponible en téléchargement ci-dessous.
L'horlogerie est désormais inscrite au patrimoine culturel immatériel, que ce soit dans le Canton de Vaud (Horlogerie de prestige - vd.ch) , au niveau fédéral (Savoir-faire horlogers - lebendige-traditionen.ch) et international, suite à l'inscription des Savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d'art auprès de l'UNESCO.
Née à la Vallée de Joux, Carole Harlé-Voutaz a repris l'entreprise que son grand-père avait créée dans les années 1970. Cette dernière est spécialisée dans la revalorisation de produits anciens comme des montres pendentifs, bagues, de poche ou d'anciens chronographe Valjoux. Assistante de direction de formation, elle s'occupe de la partie administrative tandis que les tâches horlogères sont déléguées à des artisans indépendants.
« C'est génial qu'on puisse encore utiliser des composants qui étaient fabriqués à l'époque de mon grand-papa. Faire de l'upcycling demande beaucoup de travail, car plus rien ne correspond à ce qui se faisait avant! Il faut s'adapter à l'ancien. Pour notre horlogère, c'est assez laborieux, mais heureusement, elle aime chercher et trouver des solutions. »
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Enfant de la Vallée de Joux, il suit une formation d'horloger à l'École Technique, puis collabore, avec son père, au magasin d'horlogerie du Sentier. En 2008, il ouvre un centre d'initiation dans son ancienne ferme horlogère rénovée. Sur deux jours, il propose aux néophytes de suivre un cours et d'assembler leur propre montre squelette. Formule qui rencontre un joli succès.
« Avec leur façade agrémentée de « lignées de fenêtres », les fermes-horlogères sont les témoins des ateliers historiques datant d'avant l'ère industrielle, quand nos aïeux étaient des paysans-horlogers. Il y a une partie pour les travaux extérieurs et une autre partie où, confinés par la rudesse de l'hiver, ils utilisaient leur savoir-faire à la production de mécanismes horlogers. »
Écouter son témoignage:
Le développement de l'horlogerie est intimement liée au territoire des hautes vallées du Jura. L'hiver y est long, rude. Il garde les hommes à l'intérieur et coupe les voies de communication. Le travail agricole est ralenti. Il faut trouver une activité permettant de compenser le manque à gagner. L'exploitation du fer et l'essor des forges, entre autres, ont joué ce rôle-là. Les habitants de la Vallée de Joux, les Combiers, ont pris l'habitude de travailler le métal et, surtout, de fabriquer leurs propres outils. Lorsque l'horlogerie a fait son apparition, dans l'arc lémanique, ils y ont vu une opportunité. Dès 1750 se développent les fermes-horlogères. Les hommes sont paysans l'été et mécaniciens de précision durant l'hiver. L'architecture de leurs habitations témoigne de cette double activité: granges et étables abritent foin et bétail pendant l'hiver, tandis qu'une lignée de fenêtres, percée dans la façade la mieux exposée indique la présence d'un atelier. La lumière du soleil réverbérée par la neige offre un éclairage naturel indispensable aux travaux minutieux des horlogers. De nos jours, une vingtaine de fermes-horlogères sont encore visibles à la Vallée.
La religion a, elle aussi, joué son rôle dans l'essor de l'horlogerie. Parmi les nombreux réfugiés huguenots français fuyant la révocation de l'Édit de Nantes en 1685, plusieurs famille comme les LeCoultre étaient horlogers et ont apporté leur savoir-faire en s'installant à la Vallée de Joux. La religion réformée interdisant tout signe extérieur de richesse, seuls les garde-temps, considérés comme des objets utiles, échappaient à cette interdiction. Beaucoup de bijoutiers se reconvertirent donc dans la fabrication de montres, rivalisant d'ingéniosité.
Au fil des soubresauts de l'histoire, les pôles horlogers se déplacent. Finalement, au XXe siècle, la géographie horlogère se stabilise avec 90% des effectifs dans l'Arc jurassien. Comme ailleurs, l'industrialisation s'impose et exige des investissements financiers conséquents. Le nom des grandes marques combières comme Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre, Blancpain ou Breguet éclipse celui des horlogers qui conçoivent ces mouvements d'exception. Les paysans-horlogers de jadis travaillent désormais en fabrique, comme salariés. Les usines restent toutefois de taille relativement modestes à la Vallée de Joux.
La crise des années 1930 porte un sérieux coup d'arrêt à l'horlogerie avant que la crise du quartz, dans les années 1970-1980, n'oblige le secteur à se rationaliser.
La création de grands groupes horlogers, tout comme la restructuration du système de production et le repositionnement sur le marché du luxe assureront à l'horlogerie suisse sa place de leader. D'objet utile, la montre est devenue un marqueur social.
« De nos jours, plus personne n'achète une montre pour avoir l'heure. »
Si, dans les premières « fermes-horlogères » les savoir-faire se transmettaient principalement de père en fils, dès le XIXe siècle, des apprentis ont été formé. Fondée en 1901, l'École Technique de la Vallée de Joux devient rapidement une référence. Aujourd'hui, la filière s'est diversifiée. Le plan d'études pour les formations initiales est conçu en collaboration avec des représentants des entreprises et des manufactures afin que les jeunes soient formés aux technologies du marché. Le nombre d'élèves atteint désormais plusieurs centaines, dont seuls 10 à 15% viennent de la Vallée.
La formation propose de nombreuses options, mais l'Ecole technique de la Valllée de Joux (ETVJ) reste une référence.
Un territoire isolé tout en étant proche de Genève, de longs hivers, une luminosité particulièrement vive grâce à l'abondante couche de neige : les conditions étaient réunies pour favoriser l'essor de l'artisanats horloger dans le Jura vaudois, comme dans tout l'arc jurassien, et par-delà les frontières nationales. En Suisse, de Schaffhouse à Genève se dessinait une sorte de géographie des métiers: les fabricants de machines se trouvaient à Bâle et dans le Canton du Jura, ceux qui s'étaient spécialisés dans l'usinage de pièces, dans le Jura bernois. Le canton de Neuchâtel était réputé dans l'habillage et les boîtes de montre, la Vallée de Joux pour ses mouvements. Le produit fini se vendait dans les boutiques genevoises.